Marie-Suzanne Weick-Voelckel

Le violon Gand Frères de Marie-Suzanne Weick-Voelckel raconte une vie de musicien, celle de son père, et nous entraîne dans l’Histoire. Cet instrument a été fabriqué en 1859 pour le premier violon de l’Opéra de Paris, un brillant début ! Il est acquis pour le jeune violoniste alsacien très prometteur Jean Voelckel (1908-1973). Peu de temps après, le violon disparaît. Le jeune homme a la chance de le retrouver très rapidement chez un antiquaire et constate avec étonnement que le voleur a inscrit au dos de l’instrument les mots « meine Liebe » (mon amour en allemand).

Jean Voelckel étudie au conservatoire de Strasbourg avec Maurice Soudan, premier violon de l’orchestre de Strasbourg, qui le présente à ses amis Jacques Thibaud et Eugène Ysaÿe. Son autre professeur à Strasbourg est Charles Munch. Malgré les réticences de son père, qui veut faire de lui un pharmacien, Jean obtient son premier prix de violon en 1932 et part se perfectionner auprès du quatuor Busch à Bâle, où il jouera aussi avec Rudolf Serkin. Il se perfectionne ensuite à l’École normale de musique de Paris, auprès de Marcel Dupré, Reynaldo Hahn, Pablo Casals, Jacques Thibaud, Marguerite Long, Stan Golestan etc. Des années aussi riches que marquantes.

En 1938, alors que le péril monte, Charles Munch le pousse à s’exiler comme lui aux États-Unis mais Jean refuse de quitter l’Alsace et sa famille : il est expulsé quand la guerre éclate, comme de nombreux alsaciens, non sans prendre le temps de cacher son violon chez des personnes de confiance. Il devient premier violon de l’orchestre de Nice. À son retour en Alsace à la Libération, il veut relancer sa carrière mais paye cher son absence. Il se consacre à l’enseignement privé et renonce à donner des concerts, hormis de bienfaisance.

Sa consolation : il a retrouvé son cher violon, qui l’accompagnera jusqu’à la fin de sa vie. Marie-Suzanne le jouera à son tour, formant un quatuor amateur avec ses fils au violon et à l’alto, et sa fille au violoncelle. En attendant qu’un de ses petits-enfants se révèle violoniste, Marie-Suzanne Weick-Voelckel a décidé que le violon de son cher papa devait continuer à vivre sous les doigts de jeunes musiciens en formation. Un geste dont on mesure la grande générosité au profond attachement qu’elle porte à cet instrument.